Après avoir abordé le trio créatif formé par Apollinaire, Max Jacob et Picasso, je souhaiterais à présent me concentrer sur deux figures poétiques phares du surréalisme, André Breton et Paul Eluard qui ont noué des liens étroits avec Picasso et Dali notamment au cœur de la Butte montmartroise.
André Breton (1896-1966) a vécu au 42 rue Fontaine qui était devenu un véritable lieu de réunion des surréalistes. Si vous vous baladez dans cette rue, vous pourrez découvrir une plaque qui a été apposée pour immortaliser le pape du surréalisme. La maturité de son œuvre atteint son apogée avec la publication de « Nadja » en 1928, puis celle des « Vases communicants » en 1932, où il dédie quelques vers à la Butte :
« Il faut aller voir de bon matin du haut de la Colline du Sacré-Cœur, à Paris, la ville se dégager lentement de ses voiles splendides, avant d’étendre les bras. »
Lui aussi s’est fondu dans cette vie montmartroise. Il se rendait souvent au café Cyrano, situé Place Blanche et au café Radio situé à l’angle du boulevard Clichy et de la rue Coustou, lieux fréquentés par Aragon, Philippe Soupault, Tristan Tzara, Man Ray, René Crevel ou encore Dali qui rejoint le mouvement assez tardivement en 1929. Mais, l’intransigeant Breton finira par l’en exclure en 1939.
Eugène Grindel dit Paul Eluard (1895-1952) a lui aussi incarné une autre grande figure du surréalisme qui a marqué Montmartre.
Il a vécu à différentes adresses sur la Butte, tout d’abord rue Ordener puis au 22, rue Tourlaque, à la Cité des Fusains qui fut un lieu d’installation pour certains artistes surréalistes tels que Jean Arp, Max Ernst, Eluard, Miro. Au début du 20e siècle, les échanges étaient fréquents entre la Cité des Fusains et le Bateau Lavoir, un des lieux de création de Picasso. L’émulation et les collaborations entre poètes et peintres étaient fréquentes, et s’il est une amitié qui peut en témoigner, c’est bien celle de Paul Eluard et Pablo Picasso.
« Rarement dans l’histoire littéraire, le vocabulaire privilégié d’un poète coïncide d’aussi près au motif plastique d’un peintre. »[1]
Ils se connaissent depuis 1916 mais leur amitié débute réellement en 1935. Cette complicité était fondée sur une admiration mutuelle. La poésie eluardienne comme l’œuvre picassienne est engagée, humaine et remplie d’amour. Les événements politiques, les luttes communes, la Guerre d’Espagne n’ont fait que renforcer leurs liens. Picasso a représenté Eluard à maintes reprises. Ce dernier a quant à lui rédigé un poème en hommage au génie de Malaga. Et ils se sont tous deux inspirés de Guernica : le poème intitulé « La victoire de Guernica » de 1938 fait écho au célèbre « Guernica » de 1937 de Pablo Picasso.
L’exposition « Picasso-Eluard : Regards croisés au Musée Picasso de Barcelone » a montré leurs rapports.
Montmartre fut également un lieu d’apprentissage pour Dali. Il vécut au 7, rue Becquerel avec Gala, appartement qu’Eluard, son premier mari, lui avait trouvé.
Les poètes et les peintres ont avancé main dans la main à Montmartre. Les mémoires de Breton, Eluard, Picasso, Dali résonnent dans ces cafés et ces ateliers qui ont été des lieux de rencontres, d’échanges, d’émulation artistique.
[1] Bachat Charles, Picasso, Picasso et les poètes, Europe, 1970