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Dali – Bacon : Métamorphoses érotiques
16/10/2019 - 01/12/2019
Ces deux contemporains ne sont pas simplement des géants du XXème siècle, ils se nourrissent des sources du classicisme, Velasquez (pour le portrait du pape Innocent X et son rang au panthéon dalinien[1]) et des métamorphoses surréalistes (notamment le Chien Andalou). L’Exposition Internationale du Surréalisme de 1936 aurait pu accueillir les deux artistes sur les mêmes murs. Mais Bacon est refusé par André Breton, qui quelques années plus tard évincera Salvador Dali du mouvement. S’ils prennent des chemins différents, tous deux seront mus par leurs relations sentimentales et la littérature. En parallèle de l’exposition rétrospective des vingt dernières années de Bacon à Beaubourg, c’est cette confrontation artistique que Dali Paris propose d’envisager.
Bacon – Dali : deux artistes que tout semble opposer : histrionique, performeur et mystique pour l’un ; macabre, discret et athée pour l’autre. Même si la quête d’identité et la relation difficile au père font d’eux des personnages à la fois fragiles et empreints d’une sorte de colère intérieure : l’approche onirique de Dali fait un jeu de miroir avec la noirceur des toiles de Bacon que lui-même estime tellement moins horrible que la vie réelle. Considérant que « l’odeur du sang humain ne [le] quitte pas des yeux »[2], Bacon révèle ses luttes intérieures dont l’objectivation n’est pas sans rappeler le principe de la méthode paranoïa-critique.
Pour cette confrontation, Dali Paris a souhaité s’appuyer sur le pilier des deux artistes : leur partenaire – Gala pour l’un, John Edward pour l’autre. Si la rencontre avec Gala constitue un bouleversement majeur, elle révèle Dali à lui-même en tant qu’être sexué, artiste, homme. De l’amour courtois à l’amour sadique, Dali explore l’érotisme de toute la richesse de son art. Bacon quant à lui, homosexuel revendiqué dès le plus jeune âge, est dans l’exploration viscérale de sa sexualité. Ainsi la représentation qu’il en fait est moins frontale mais non moins pénétrante. Dali Paris regarde par un trou de serrure pour s’attarder sur deux œuvres spécifiques : la pièce centrale du triptyque Août (F. Bacon, 1972) et Marianne et le Chevalier (S. Dali, 1969).
Dali représente la scène du Marquis de Sade dans toute sa laideur de manière très crue en esthétisant l’ensemble par une opposition de couleurs complémentaires. Bacon utilise ces mêmes couleurs complémentaires, mais dans des valeurs chromatiques beaucoup plus glauques, dans cette scène d’accouplement, acte qui normalement sublime la beauté des corps, en en faisant ressortir toute la douleur psychologique qu’elle peut susciter chez l’artiste inverti. Cependant, l’inspiration classique persiste dans les deux œuvres avec un travail de construction : le cadre dans l’œuvre qui fige l’action dans l’espace et la contraint, ainsi que des courbes ciselées qui évoquent la beauté corporelle. Enfin une similitude intéressante se crée avec la lévitation du personnage masculin dalinien.
Pour compléter cette évocation des métamorphoses érotiques, Dali Paris expose la série éponyme, dans le musée, qui reprend le fameux jeu surréaliste du cadavre exquis, transformant des pages de bestiaires, en scènes bestiales auxquelles le classement « pornographique » pourrait clairement être apposé.
« La fin du discours importe plus que le commencement »
Francis Bacon
Dans cette exposition, Dali Paris interroge deux artistes rarement opposés, sur leur acharnement à maltraiter les corps, à les métamorphoser, d’une manière perverse et adolescente pour Dali quand Bacon évoque de manière névrotique les corps, leur fluidité et leurs fluides.